Chartreuse Saint-Sauveur, Villefranche-de-Rouergue – Aveyron

Cette ancienne chartreuse du XV° siècle fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques. Depuis la Révolution française, les bâtiments du monastère font partie de l’hospice-hôpital de Villefranche-de-Rouergue.

Son cloître figure parmi les plus vastes de France. Il permettait de desservir les douze ermitages dans lesquels vivaient les moines.

L’ensemble se compose du grand cloître (contre lequel s’élevaient autrefois les ermitages et qui enserre le cimetière), du petit cloître (chef d’oeuvre de l’art Gothique flamboyant), de la chapelle (avec son porche polygonal, les tombeaux des fondateurs et stalles sculptées du 15e siècle), du vestibule, de la salle capitulaire, du réfectoire (doté d’une très belle chaire du lecteur) et du jardin.

Une seconde chapelle – la chapelle des étrangers et des femmes – se trouve en dehors des murs. Elle est destinée aux visiteurs et pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Le monastère de la Chartreuse Saint Sauveur est l’un des plus grands cloîtres de France ouvert à la visite.

Il fut construit entre 1451 et 1459 grâce au legs testamentaire d’un riche marchand drapier de Villefranche-de-Rouergue, Vézian Valette.

En 1450, Vézian Valette part en pèlerinage à Rome pour y gagner l’indulgence du Pape. Avant de partir, il rédige son testament dans lequel il laisse presque toute sa fortune aux Chartreux, à la condition qu’ils construisent un monastère de leur Ordre à Villefranche-de-Rouergue. Vézian Valette meurt à Rome la même année.

Sa veuve, Catherine Garnier (également considérée comme « fondatrice » de la Chartreuse), se conforme aux dispositions du testament et les travaux débutent en 1451-1452.

L’église, le cloître et le chapitre sont achevés en 1458.
En 1461, Vezian Valette est inhumé à droite de l’autel dans le tombeau qui lui avait été réservé. Catherine Garnier meurt en 1482 et son corps repose à côté de celui de son époux.

En 1491, la chartreuse est incorporée à son Ordre par le chapitre général tenu à la Grande Chartreuse de Grenoble. L’église est consacrée en 1546.

Après la Révolution, en 1790, les derniers moines chartreux sont expulsés et le monastère est déclaré bien national. La chartreuse est mise en vente. La municipalité de Villefranche – voulant ouvrir un hôpital-hospice dans la ville – en prend possession le 25 novembre 1791 (cette acquisition permis de conserver les parties historiques et architecturales essentielles du bâtiment).

Les religieuses de l’hôpital de Villefranche y installent leurs malades en 1792. Les bâtiments, déjà remaniés au 17e siècle, subissent de nouveaux aménagements pour se conformer à cette nouvelle utilisation.

Au cours des siècles, la première donation a permis de garantir des rentes conséquentes au monastère, notamment grâce aux vignes qui étaient d’un rapport important. Les messes et prières pour le salut des âmes étaient également une source de revenus en argent ou en nature non négligeable.

Cette richesse de la chartreuse est mise en évidence par les prêts qu’elle a pu faire à la commune au XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle elle est le plus important contribuable de la ville. 

L’Ordre des Chartreux – aussi appelé cartusien – est un ordre de type semi-érémitique fondé en 1084 par Saint-Bruno.
Il prend son nom du massif de la Chartreuse au Nord de Grenoble.

C’est l’un des plus austères.

Les religieux observent une clôture perpétuelle, un silence presque absolu, de fréquents jeûnes (et l’abstinence totale de viande).
Entièrement coupés du monde, les moines passent leur vie dans la solitude de leur cellule où ils dorment, prennent leurs repas, travaillent et prient seuls. Les moments de vie commune sont consacrés à la célébration du culte divin.
Ils se rassemblent chaque jour pour la messe et les vêpres ainsi que pour l’office des matines chanté au milieu de la nuit.
Les rares exceptions à cet isolement sont les dimanches et jours de fête (ils déjeunent ensemble à midi seulement et ont une récréation commune) ainsi qu’une promenade hebdomadaire durant laquelle ils cheminent deux par deux et parlent librement.
Ils ne reçoivent la visite de leur famille que deux jours par an.

Ils portent une robe de drap blanc serrée par une ceinture de cuir.
À l’extérieur des limites des maisons, ils portent une chape noire avec capuchon pointu.

L’essentiel de la vie du Chartreux se passe donc dans l’espace clos de sa cellule individuelle qui est sa Joie, sa Croix et son Chemin.
Les murs qui l’entourent dessinent son unique horizon : le Ciel.

Le Prieur de la Grande Chartreuse, que l’on appelle « Révérend Père », est le supérieur général de l’Ordre. La Grande Chartreuse est la Maison-Mère. C’est là que Saint Bruno établit le premier ermitage en 1084. Elle est située dans une vallée des Alpes, à quelques kilomètres de Grenoble.

L’Ordre atteint ses plus hauts effectifs avec près de deux cents chartreuses au début du XVIe siècle. La Réforme Protestante en provoque la suppression d’un bon nombre puis la Révolution Française ferme toutes les maisons de France et plusieurs en Europe. Cet évènement ne provoque cependant pas la fin de l’Ordre et l’interruption de la charge du Prieur Général. Il réintègre la Grande Chartreuse dès 1816.

L’Ordre sera régulièrement perturbé ou chassé au fil des ans par les nombreux faits historiques qui se succèderont. En 1940, la vie du monastère de la Grande Chartreuse a repris après 37 ans d’exil en Italie !

Aujourd’hui, une trentaine de moines vivent au sein de la Grande Chartreuse et l’Ordre compte 22 maisons dans le monde (16 de moines et 6 de moniales) abritant près de six cents moines et convers.

L’entretien des bâtiments est une source de dépenses considérable. Chaque maison de Chartreux essaie autant que possible de vivre de revenus propres (dons, fermages de terres, vignes, artisanat, …). Mais l’absence d’interactions, le peu de temps consacré au travail manuel, les besoins internes de la vie quotidienne, la raréfaction des vocations et le primat de la vie contemplative ne sont pas compatibles avec une activité économiquement rentable. La rigueur de cette vie solitaire excluait une expansion analogue à celle des cisterciens ou franciscains et conduisit au déclin.

La production et la commercialisation d’un « élixir de table ou de santé » sera une exception.

En 1825, les moines développent une liqueur à 60°. D’intérêt médicinal (notamment pour lutter contre le choléra), elle devient progressivement un digestif unique et à partir des années 1840, suite au développement des Chartreuse Verte et Chartreuse Jaune, les ventes de liqueurs deviennent la principale source de revenu du monastère de la Grande Chartreuse.

Cependant, en mars 2023, Dom Dysmas, prieur de la Grande Chartreuse à la tête de l’Ordre, annonce que les moines (actionnaires de la Chartreuse à 99 %) ne sont pas en capacité de produire plus et arrêtent donc l’augmentation de la production.

Outre le fait que seuls trois d’entre eux en connaissent la formule complète, le dérèglement climatique a également un impact sur la raréfaction des 130 plantes nécessaires à l’élaboration. Par ailleurs, les moines souhaitent revenir à une croissance économique raisonnée en adéquation avec leur voeux de pauvreté.

Mais plus que tout, l’augmentation de la production est devenue trop contraignante pour ces moines.

Les Chartreux ont donc choisi de limiter la production à son niveau actuel sans chercher à répondre à la demande exponentielle afin de protéger leur vie monastique et consacrer davantage de temps à leur vocation : solitude et prière.